C’est avec un grand plaisir que je suis retournée dans les “nouveaux” locaux d’Emmaüs à Saumur à l’invitation de son président Bernard Jarrige et accompagnée de Marc Boninn, maire de MONTREUIL-BELLAY, afin que le dispositif expérimental “Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée” (TZCLD) nous soit présenté. .

Atour d’un repas préparé par l’association, nous avons pu échanger et mieux appréhender ce dispositif ambitieux. Apparemment sans coût supplémentaire pour les finances publiques, le dispositif s’appuie sur des acteurs de terrain expérimentés et pragmatiques à travers des Entreprises à But d’Emploi (EBE). Celles-ci s’adaptent aux compétences et capacités de chaque personne privée d’emploi depuis longtemps afin  de leur trouver un emploi répondant à un besoin local et non pourvu et qui n’entre pas en concurrence avec l’économie marchande.

Qu’est-ce que Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée (TZCLD) ? 

Par : Jean-Pierre Bachowicz (délégué du Comité d’Amis Emmaüs Saumur pour soutenir le projet TZCLD saumurois).

C’est une association nationale initiée par Patrick Valentin, d’Angers, soutenu par Laurent Grandguillaume et avec ATD Quart Monde que TZCLD a vu le jour pour lutter contre le chômage de longue durée. L’association est également portée par Le Secours Catholique, Emmaüs France, la Fédération des acteurs de la Solidarité, le Pacte Civique et récemment les ont rejoints le Coorace, les APF, France Handicap.

Il y a eu une volonté partagée par ce collectif pour l’expérimentation TZCLD. Une loi a été votée à l’unanimité dans les 2 chambres, en 2016, permettant le lancement d’un dispositif expérimental et le financement de 10 territoires qui tentent de mettre en œuvre le droit à un emploi.

L’idée de base est simple: le Fonds d’expérimentation TZCLD verse à une EBE « entreprise à but d’emploi » 17 800 € par salarié et par an. Cette somme, qui correspond au transfert des coûts liés au chômage, finance le poste aux deux-tiers . Pour le tiers restant c’est l’EBE qui finance avec ses revenus d’activité. Ces emplois sont donc en partie financés par l’État et sans coût supplémentaire pour les finances publiques.

L’objet de ces entreprises à but d’emplois : créer des emplois adaptés aux personnes privées durablement d’emplois et qui sont volontaires. Ce sont les EBE qui recensent les compétences et les souhaits des personnes, puis avec elles recherchent en fonction des aptitudes les travaux utiles qui peuvent y correspondre. Les EBE s’appuient sur des travaux utiles qui répondent à des besoins locaux non pourvus, favorisant l’économie circulaire. Les activités liées à la transition écologique représentent 30 à 50 % des projets actuels. Ce sont des emplois complémentaires qui n’entrent pas en concurrence avec l’économie marchande, en partant du principe que personne n’est inemployable ! D’ailleurs, il n’y a pas de sélection à l’entrée d’une EBE et les personnes sont embauchées en CDI : elles retrouvent, outre un salaire garanti basé sur le SMIC, une dignité, une revalorisation d’elles-mêmes.

Cette expérimentation concerne les personnes privées d’emploi ou en activité réduite depuis plus d’un an. Ce sont environ 2,4 millions de chômeurs en France. Le principal intérêt d’une EBE est de recréer du lien social à l’échelle d’un territoire. Pour les personnes, retravailler permet de rompre leur isolement, de revenir dans la vie active et de rebondir. Pour les territoires, ces emplois permettent de répondre à divers besoins des habitants, des entreprises ou des institutions… En effet, les emplois proposés sont divers, mais ils ont tous un point commun : être utile aux habitants, à l’environnement et au territoire.

Aujourd’hui, le gouvernement par le plan pauvreté soutiendra l’expérimentation. Un nouveau projet de loi est en préparation pour 2019 afin d’étendre l’expérimentation à de nouveaux territoires. Le haut-commissaire à l’Économie Sociale et Solidaire a indiqué qu’il mettait TZCLD dans le plan de développement de l’ESS.

 

Le Saumurois, bientôt un « territoire zéro chômeur de longue durée » ?
Ce jeudi soir 7 février 2019, la communauté Saumur Val de Loire recevait en conseil d’agglomération Patrick Valentin, directeur bénévole de l’expérimentation et vice-président de l’association « Territoire zéro chômeur de longue durée » (TZCLD), présidée par l’ancien député Laurent Grandguillaume (Parti socialiste). Ce dernier a présenté la démarche dans laquelle l’agglomération saumuroise se porte candidate… 
Patrick Valentin, initiateur TZCLD avec ATD Quart Monde

La communauté d’agglomération Saumur Val de Loire s’est engagée, ce jeudi soir, dans l’expérimentation « Territoire zéro chômeur de longue durée » qui s’adresse aux personnes qui sont en recherche d’emploi depuis plus d’un an. Le Saumurois a défini 3 secteurs qui pourraient convenir à l’opération : le secteur de Montreuil-Bellay, de Doué-la-Fontaine ou des quartiers prioritaires de la Ville de Saumur (le Chemin-Vert et les Hauts-Quartiers). Mais avant cela, il faudra faire partie des 40 territoires sélectionnés, en France.


« Personne n’est inemployable »

Le Saumurois, en concurrence avec 140 autres territoires, se tient prêt à répondre l’appel à projets qui sera lancé dans le courant de l’année 2019 par l’État. Pour présenter le dispositif TZCLD aux conseillers communautaires saumurois, Patrick Valentin était invité en première partie du conseil d’agglomération Saumur Val de Loire, hier soir. Pour lui, trois constats ressortent de ces expérimentations : premièrement,
 « personne n’est inemployable (à condition que l’emploi soit adapté à la personne) », deuxièmement, « ce n’est pas le travail qui manque, c’est l’emploi (l’emploi, c’est ce que les gens désirent) » et, enfin, « ce n’est pas l’argent qui manque ».Patrick Valentin sait de quoi il parle puisque le dispositif a déjà fait ses preuves un peu partout en France, et notamment proches du Saumurois à Mauléon, dans les Deux-Sèvres. Là-bas, l’ESIAM (1), Entreprise à But d’Emploi (EBE) du territoire du Grand Mauléon, emploie 70 personnes en CDI. Lancée en 2017, l’entreprise effectue par exemple du recyclage de tissus. 

Une clause de non-concurrence avec les entreprises locales

Lors de la présentation de ce programme aux conseillers communautaires saumurois, ce jeudi soir, Bruno Cheptou a apprécié le discours de Patrick Valentin, mais a fait part de son scepticisme. Le conseiller municipal de Doué-en-Anjou redoutait notamment qu’une EBE (Entreprise à But d’Emploi), nouvelle sur le territoire, vienne concurrencer une société déjà existante. 
« Il faut déjà savoir pourquoi nous n’arrivons pas à recruter dans les entreprises saumuroises. Ensuite, j’aimerais savoir clairement à qui est adressé cette EBE ». Jean-Michel Marchand, président de la communauté d’agglomération Saumur Val de Loire, lui a répondu : « Le public est connu, ce sont les demandeurs d’emploi de plus d’un an. Ensuite, l’objectif des EBE est de créer des emplois qui n’existent pas encore. Via une clause de non-concurrence, ces structures ne peuvent pas se confronter aux entreprises du secteur marchand ou les associations déjà mobilisées(NDLR telle que l’ASPIRE en Saumurois, par exemple). C’est une activité complémentaire ». En Saumurois, une association est déjà sur les rangs pour participer à cette démarche. Il s’agit d’Emmaüs, déjà partenaire de « Territoire zéro chômeur de longue durée » sur le plan national.

« Si ça marche, on pourra être fier d’avoir pris cette décision »

Jackie Goulet, le maire de la Ville de Saumur, a affirmé qu’il était 
« profondément convaincu » de la réalisation de ce dispositif en Saumurois : « Si on enlève 1% de chômeurs longue durée, ça fait 160 demandeurs d’emploi en moins, c’est énorme. Si on arrive ne serait-ce qu’à enlever 1 point de chômage, ce sera sans conteste la meilleure décision de notre mandat. On pourra être fier d’avoir pris cette décision ». Pour être prête à répondre à l’appel à projets de l’État, la collectivité saumuroise compte recruter une personne qui sera notamment chargée de « prospecter des activités nouvelles et non assurées », a précisé Jean-Michel Marchand, ce que l’on appelle un « préfigurateur ». De son côté l’État, qui finance ce dispositif, compte beaucoup sur le TZCLD. C’est du gagnant-gagnant : les sommes consacrées chaque année pour les chômeurs de longue durée seront réutilisées pour rémunérer les travailleurs des EBE, sur la base du SMIC. Ainsi, l’État devrait financer chaque équivalent temps plein (ETP) à hauteur de 17 800 euros.

(1) Entreprise Solidaire d’Initiative et d’Action des Mauléonais.


Article du 08 février 2019 I Catégorie : Vie de la cité SAUMUR KIOSQUE