J’ai beaucoup été interpellée sur la proposition de loi donnant le droit à une fin de vie libre et choisie déposée par Olivier Falorni. Il me semble donc important de vous indiquer ma position.

En premier lieu, il me paraît inconcevable qu’une telle Loi puisse se contenter de quelques heures de débats au cœur d’une niche parlementaire alors qu’il s’agit d’un enjeu civilisationnel.

D’autre part, le cadre législatif de la fin de vie, pour les personnes en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, est composé de deux lois majeures, votées en 2005 et 2016 :

La loi du 22/04/05 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite Leonetti, a ouvert la voie de la prise en charge de la fin de vie, contre l’acharnement thérapeutique :

– privilégier les soins palliatifs à l’acharnement thérapeutique ;

– information du malade ;

– collégialité de décision ;

– chacun peut rédiger des directives anticipées et désigner une personne de confiance ; le choix du malade, ou celui de la personne de confiance s’il n’est pas en capacité de s’exprimer, prévaut sur tout autre avis non médical.

La loi du 02/04/16, dite Clays-Leonetti, complète celle de 2005 en créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, notamment la sédation profonde :

– renforcement du droit à une fin de vie digne, accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance ;

– un enseignement sur les soins palliatifs est intégré à la formation initiale des personnels soignants ;

– à la demande du patient, il peut être pratiqué une sédation profonde jusqu’au décès, associée à une analgésie ;

– les directives anticipées du malade, ou de la personne de confiance qu’il a choisie, s’imposent au médecin.

 

Alors que contient la proposition de loi donnant le droit à une fin de vie libre et choisie qui ne serait pas déjà dans la loi ?

Elle autoriserait une assistance médicalisée à mourir avec les précautions d’information, de consentement et de collégialité déjà prévues par la loi. Le coeur de cette proposition est donc de passer d’une fin de vie accompagnée, à une fin de vie programmée.

 

Depuis le début de mon mandat, j’ai eu l’opportunité d’approfondir ce sujet à plusieurs reprises, avec des services de soins palliatifs, des médecins, des associations. En tant que députée, j’entends voter, ni de façon partisane, ni sous le diktat de sondages ; mais en conscience, nourrie de ces échanges avec ceux qui vivent au quotidien l’accompagnement à la fin de vie. Il ressort de ces rencontres que les lois en vigueur sont suffisantes pour une fin de vie digne. Les praticiens que j’ai rencontrés me disent que la loi Clays-Leonetti était nécessaire pour abréger des souffrances inutiles. Pour autant, ils ne donnent pas la mort ; s’ils endorment profondément le patient jusqu’à son décès, ils ne déterminent pas le moment de celui-ci qui est naturel.

La législation existante est suffisante pour répondre dignement à la fin de vie. L’enjeu aujourd’hui est sans doute qu’elle soit mieux appliquée.

Le débat qui s’est déroulé le 8 avril n’a pas pu être mené à son terme. Je pousuis donc ma réflexion ainsi que le contrôle de l’application de la loi.

Pour voir la séance complète du 8 avril 2021 à l’Assemblée nationale CLIQUEZ ICI

Ci-dessous, extrait vidéo du début de la séance.

Témoignage sur la dignité humaine et la fin de vie :
 
Comme je l’ai déjà fait, je partage avec vous, et avec l’autorisation de son auteur, un témoignage touchant et humaniste qui contribue à ma réflexion sur ce sujet délicat.
 
Madame la députée,
 
Je suis une personne lourdement handicapée de naissance en fauteuil depuis 42 ans et je voudrais vous livrer mon témoignage. Je me fais aussi le porte-parole, je le sais de nombreuses personnes handicapées qui n’ont pas l’usage de la parole mais partage mes convictions.
Aujourd’hui je suis très préoccupé par les questions de la dignité humaine que relève la question de fin de vie. Quelle place faisons-nous réellement aux personnes souffrantes dans la société ?
 
Le 8 avril prochain vous allez examiner une proposition de loi fin de vie présenté par Olivier Falorni.
 
Aujourd’hui la loi Leonetti prévoit la sédation profonde et continue jusqu’au décès en phase terminale. La loi Leonetti actuelle respecte infiniment la dignité de la personne humaine. Aller plus loin en légalisant l’euthanasie serait la plus grave erreur de votre mandat de parlementaire.
Personne handicapée, je suis bien placé pour vous dire que la dignité ne se détermine pas par son degré d’autonomie, la dignité se détermine par ce que je suis, je suis Marc Henri personne lourdement handicapée 100 % vivante.
Quand j’entends les militants de l’ADMD dire que la dépendance c’est la fin de la vie la dépendance, c’est dégradant. Moi personne handicapée depuis ma naissance je dis halte là, je ne suis pas dégradé. Je m’interroge, ma vie a-t-elle moins de valeur que celle de mon voisin. Pourtant ma vie n’est pas indigne à vivre, je vous le garantis.
 
Ne réduisons pas la dignité à la dignité d’apparence.
Je suis témoin que la vie n’est pas un déchet avec une date de péremption au-delà de laquelle et ou selon l’aspect il ne serait pas bon de vivre.
 
La fin de vie c’est encore la vie et cette question est assez révélatrice du regard que nous partons sur la vulnérabilité que nous connaissons tous a un moment donné.
Quel message me renvoie la société sur ma propre vie de personne lourdement handicapée connaissant une horrible souffrance.
En légalisant l’euthanasie la société me renvoie un message fort en ayant l’intime conviction que ma vie ne vaut plus la peine d’être vécue dans mon état.
 
La question du “laissez-nous avoir le choix” revendiqué par l’ADMD est biaisé car si vous me demandez si je veux vivre dans cet état handicapé, cet état de souffrance, je vous réponds tout de suite plutôt mourir.
Aujourd’hui pour autant, je suis témoin que la souffrance se traverse si elle est accompagnée. Aujourd’hui personne handicapée je demande à être soulagé de ma souffrance je ne demande pas à mourir.
 
Vous devez donc d’urgence intensifier les aides aux soins palliatifs pour les personnes en fin de vie et à mort l’euthanasie.
Aujourd’hui personne handicapée de naissance croyant en la médecine de demain je ne veux pas qu’elle se transforme en un permis de tuer. Soulager mais pas tuer, ne trahissait pas la médecine dont la belle vocation est de soigner et de soulager les malades
Aujourd’hui en voulant supprimer la souffrance on élimine l’être aimé. Drôle de conception pour un acte d’amour revendiquer par les promoteurs de l’euthanasie.
 
Aujourd’hui de par mon handicap je suis témoin de l’anthropologie humaine.
Je vous dis droit dans les yeux que la souffrance et la vulnérabilité, font partie de mon ADN de vie mais aussi de toutes vies.
Vouloir les éliminer m’élimine alors Attention danger !
 
En m’opposant fermement à l’euthanasie je défends la dignité de toute vie humaine, la dignité de ma vie !
Je compte sur votre présence dans l’hémicycle le 8 avril prochain pour voter contre cette proposition de loi d’Olivier Falorni
En vous remerciant de votre attention et de votre réponse.
 
Bien cordialement.
 
Marc-Henri d’ALES